Par où commencer ?
*Hésite*
La mains de Dar’Kahn se serrait sur mon cou comme une tenaille. Et c’est là que je suis mort. Il y a longtemps.
Quelques jours plus tôt je plaisantais avec les autres écuyers, postulants à la chevalerie de sang. Très jeunes, insouciants, fiers, crâneurs, nous pavoisions dans les rues de Lune d’Argent et ça épatait les filles. Les beuveries pour fêter ceci ou cela, ou par simple bravade, les bagarres aussi faciles à oublier qu’à commencer… bref, quand nous sommes partis en mission pour raser Mortholm la forteresse du fléau, ça chantait dans les rangs.
Maintenant je réalise qu’ils ont envoyé les moins doués, ceux qui ne se concentraient pas assez, ceux qui ne s’abandonnaient pas à la puissance volée du Naaru, comme moi, jeune et idiot.
Ce fut un massacre. A-t-il servi d’autres desseins ? Une stratégie a-t-elle permis de transformer tous ces morts en une victoire… ailleurs ? Je n’en sais rien.
Les quelques survivants de ma faction ne chantaient plus lorsqu’ils sont arrivés devant Dar’khan, le maître des lieux. Il a fait signe à ses serviteurs de ne pas bouger et il nous a tous tués, de ses propres mains, sans montrer aucun signe d’effort.
Et puis je me suis relevé, bien plus tard. J’ai senti que mon corps pouvait bouger et j’ai rampé hors du tas de cadavres que les serviteurs du fléau avait jeté dans la Malbrèche. Des zombis dévoraient lentement les corps autour de moi. J’aurai dû être assailli par l’odeur… mais si je ressentais bien la présence de toute cette mort, aucune effluve n’agressait mes narines. J’ai alors compris que j’étais devenu un réprouvé, un cadavre ambulant.
Et j’ai bien servi la Dame Noire.
Mais il y’a eu cette renaissance, la vraie renaissance, quand ma belle Déesse m’a rendu une vie convenable. C’était lors d’une mission pour la Dame Noire. J’ai ramassé une relique que des trolls vénéraient, un sorte d’éclat de métal. Dès que je l’ai touché, ma Déesse est apparue… blanche… pure… belle. Elle a pris l’éclat et elle a glissé ses doigts parfaits entre mes côtes noires, et elle a planté son esprit dans mon cœur pourri. J’ai senti mon désir de magie revenir, j’ai senti que jamais plus je ne serai cet être répugnant et rampant. Ainsi ma Déesse m’a redonné la beauté, elle a affermi mon bras et a redressé mon corps torturé. Le sang ne coule pas dans mes veines, mon cœur ne bat pas, je ne respire pas, mais pourtant la magie m’habite de nouveau, je suis redevenu un Sindorei !
Je suis parti en croisade, pour servir ma Déesse, elle me montre ceux que je peux tuer : des bêtes plus ou moins pensantes, et dès que j’arrête de faire couler leur sang, je vois ma peau se couvrir de tâche sombre, je sens mes entrailles qui se liquéfient… la servir me protège de la corruption du monde, tuer me donne cette apparence de vie, tuer pour la servir me rends de plus en plus puissant, je le sens. Sur les quais nauséabondes d’Undercity, on m’appelle Meneos le Nécrogène, celui qui renaît quand les autres meurent.
Et ce n’est pas tout ! Quand je m’effondre sous les coups de mes ennemis, ma déesse apparaît, elle me parle et écarte ses grandes ailes blanches et donne suffisamment de force à mon esprit pour qu’il rejoignent ce corps si parfait, ce don qu’elle m’a fait.
Puis il y a eu ces voix, c’était ma Déesse mais je la reconnaissais à peine, elle disait des choses terrifiantes, elle prononçait des mots inconnus, elle discourait sur des concepts impossibles. Depuis je dors quand les voix se taisent, je profite de ces moments de silence pour reposer mon corps, mon précieux corps. Le reste du temps je dois courir, je dois tuer, je dois faire ce qu’elle m’ordonne, aller dans les endroits qu’elle m’indique… toujours plus loin dans des régions inconnues, des missions toujours plus dangereuses. Mais je sais, au plus profond de mon âme, au plus profond de mon cœur, là où elle a planté cet éclat, que toutes ces épreuves feront de moi un des êtres les plus puissants de ce monde. Je serais un champion, Son champion.
Meneos se redresse fièrement et porte la main à sa hache. Le manche s’embrase et les flammes courent lentement jusqu’à la lame qui se recouvre d’un feu dévorant.